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j’avais parfois des sueurs froides rien qu’à l’idée de passer à côté de mes textes, de ne pas les comprendre. par éclairs, il me venait un métadiscours, aussi léger que la main d’un peintre
je déployais très peu de moyens, une économie de mots, avec la perspective de réaliser le maximum d’effets. le vers, la phrase, me venaient souvent en Français, articulés ou non
je malaxais, corrigeais, raturais, etc. une écriture d’après coup, toujours. non loin du contrôle, cela me paralysait de la faille, empêché de surpasser les digues
je tentais de réhabilité l’illettrisme, pour une poétique d’après le réel, une sauvagerie ou voie naturelle et par où je passais, puisque je doutais
je trouvais un style, un rythme, un ton, etc. loin de changer, puis l’eau s’était métamorphosée
je voyais le poète toucher au poème par brides
au-delà de son existence
de son état
alors qu’il était tout-poème
il ne pouvait en être autrement
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le poème me traversait comme si c’était le dernier, reclus dans mon grenier
comme le dernier départ d’un train, ou la dernière étreinte
je croyais qu’aucun instant écoulé, ne remédiait à cette 11 heures du soir. je n’étais décidément pas du matin
de passage, je ne souhaitais pas m’appesantir
j’étais encore là ! j’y revenais, ressassais
urgence
de la vitesse
et quelques renoncements
l’état de mes poèmes : une version diminuée de ce qui me précédaient
la source n’était plus, restait l’encre et la poussière
annonçant l’effacement
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je situais la chanson en parallèle de mes productions, hors de mon horizon
un album de Depeche Mode et une fuite était entrevue
j’écoutais, je convoitais, là où je m’aventurais
je me voyais comme un charbon, une ode au charbon
alimentant tous les foyers
lorsque tout se valait dans le grand brasier, passant vrai au pied de rares montagnes, un vertige me prenait, alors je contournais
je me demandais qu’en était-il du débordement, en poésie, aussi. il était vrai que tous les poètes décevaient leurs contemporains, un leurre de croire l’inverse
je désespérais des jours de lecture sans un arrachement ou un emporté
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je me résolvais. je me prêtais des voix dans mes recherches et concepts
ou lorsque je tissais de la laine, durant les éclaircies
je ne savais jamais qui j’étais, où j’allais, mais j’espérais de mon cœur
comme entre deux contrées, sans la tiraille. j’échappais à l’idée du plein, aux lunes
je rêvais de la sensibilité des singularités, sans m’y prendre
j’écrivais parfois avec les poètes
parfois une adresse
de dedans et de dehors
auprès de mes morts, auprès de mes mains
je fracturais le poème, tout en intuitionnant la régénération, comme un second souffle
jusqu’au moment où je constatais la perte
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longtemps je m’engouffrais dans les brèches du poème
comme un intrus
comme un éléphant
un élève surtout qui écrivait sur la marge. il m’était indéchiffrable
je méditais sur mes raisons de vivre, mes peurs et mes aspirations, – comment était mon enfance ? mutique, comme une surface
est-ce qu’il fallait me lamenter sur mon sort et me terrer, alors que je devais autre chose de mes lamentations
j’étais de la faillite, authentique, radicale, – à quel moment mon histoire s’était gâtée ? lorsque je touillais dans le sens inverse des aiguilles. une fabulation
je les inscrivais à la lisière, dès l’abord. je les écoutais, rien que pour la jubilation d’une suite de signes, pour monter
je me persuadais que ce n’était jamais sorcier, sans m’attarder à ce qu’ils étaient campés, ou du milieu
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conspiration, adhésion, translation… : rupture !
de ce que j’en savais et devinais, tout m’y préparait, tout m’y arrachait
je transcrivais une poésie qui collait à ma peau, sans ajout de mes travers, de mes poisons
elle était parfois qu’un discours lorsqu’elle me paraissait indicible, moins limpide
j’acceptais néanmoins sa part d’incompréhension, d’imperfection, d’inachèvement, comme ne pas l’accompagner au bout
je ne retenais qu’une touche, un scintillement, comme le parfum du jasmin les nuits d’été, la réverbération sous d’immenses soleils
j’employais le Je comme un autre soi, érodé, feuilleté
je hurlais à la mort, rien cependant qui pouvait nuire
j’y déposais mes croûtes
je renonçais
à chacune des chutes, une relance, un mot
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je me souvenais de l’époque où je n’étais pas trop stupide, mais où j’allais
je rallongeais les idées lorsqu’elles me venaient, aucune ne s’atténuait, comme les ombres des arbres au crépuscule
j’écrivais parfois toutes les nuits, sans tracer une ligne. je ne rencontrais cette hargne nulle part
je concevais un filet. je récitais mes poésies
je me prenais toutefois pour un bookmaker, pronostiquant sur les chances et l’audience d’un poème, bien avant de le dénaturaliser
de le renier, subséquent
quels dieux empêchaient leur envol, une unisson…
était-ce donc moi
l’homme pendu
à son sac
avec un coude qui se détachait
d’une cité
tenant du souk et bradait
j’inventais des problèmes de plus en plus les nerfs à vif, comme des lames qui raclaient mes os
je pourchassais mon destin, ma conscience était sans tache, baroque
je n’avais pas de solution à m’apporter, sinon pas affligé, – que pouvait un poème en ces temps de rift, en ces temps de chien qui plaident pour des chiens rongés par les bêtes ?
comme étaient les étranges arbres, la nuit, seuls, pareil, ces mêmes arbres qui me causaient le vertige
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j’étais animé par une langue, creusant une autre, comme d’un seul corps
de toute l’eau qui coulais et que je ne buvais pas
j’étais de la loupée
celle vers quoi je tendais
comment l’écriture me contaminait, s’était imprégnée en moi, jusqu’à dans mon lit. je ne saurais peut-être jamais y répondre
je ne savais même plus à qui j’écrivais, comme de me rappeler qui était derrière les initiales
que je notais
et cela n’avait aucune importance
je me laissais porté par le plaisir du texte, comme de jouer avec les poètes
l’écriture, la mienne, était sous des soupirs
je cherchais le trou dans les poèmes, la détérioration
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il m’était certains jours difficile de tracer une ligne, d’extraire un mot
par moment, j’avais l’impression que cela se passait ailleurs. j’étais bloqué
il m’arrivait d’entrevoir d’autres formes, me serait-il un jour possible de les approcher ? comme un désir fou de tout embrasser
j’ajournais, vaincu
lorsque la métaphore ou l’image étaient fortes, je les écartais
la poésie surplombait le politique, ou parfois quasi nuls
je rédigeais à la volée
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